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 Hirondelle & Rossignol

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Ekzael Ahnkïr
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Ekzael Ahnkïr


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MessageSujet: Hirondelle & Rossignol   Hirondelle & Rossignol I_icon_minitimeMar 16 Nov - 20:00

L'Hirondelle dans sa cage de verre.
Jour-J. 10h.

Les Anges doivent se sentir bien las, ainsi perchés, sur leurs nuages, restant les spectateurs de cette désolante pièce aux acteurs amateurs. L'éternité était loin d'être une fatalité. Le seul problème était l'attente entre deux scènes. Il soupira. Il était loin de compter parmi ces créatures surnaturelles. Il n'avait pas autant de temps à attendre pour voir enfin des exceptions surgir de ce tas de banalités. Habituellement, il les créait, ces exceptions. Ekzael se balançait sur son siège de bureau. Il contemplait la ville qui s'agitait sous ses yeux curieux. Ils semblaient plus énervés que les autres jours, mais il n'avait pas approfondi l'étude. Inutile. Ils étaient comme la veille, et seraient à l'identique le lendemain. Exaspérants. Pourquoi avoir un tel panorama sous les yeux si le divertissement n'est pas à la hauteur.

L'homme se retourna vers son plan de travail. Sur son bureau d'ébène siégeaient fièrement des accessoires à la pointe de la technologie. Rien d'étonnant lorsqu'on travaille dans le secteur. Mais il ne porta pas son attention sur son moniteur dernière génération, ni son téléphone mobile solaire. Il avait une enveloppe vide et un tas de billets à portée. Cent mille Yens. Certains courriers ne peuvent transiter par des moyens courants et peu fiables. Celui-ci en fait partit. En plus de quelques papiers administratifs, il avait devant lui le prix de la vie et du silence éternel d'un homme. Un meurtre passant pour un accident. Une dernière dose fatale pour en avoir trop dit. L'Hirondelle n'aime pas qu'on parle son plumage lorsqu'elle vole dans d'autres ciels.


« Bonjour Ayane-San. Aurais-tu du courrier à me transmettre ? »

Ekzael avait toujours cette voix douce et mystérieuse lorsqu'il s'adressait aux jeunes femmes. Il jouait sur sa personnalité insaisissable pour y ajouter un soupçon supplémentaire de charme. Il était riche, respecté dans son domaine, jeune, et d'un physique, peu laid, sinon beau. Il attendit la réponse d'Ayane quelques secondes. Elle était secrétaire de plusieurs bureaux indépendants dans cette tour d'affaires, en plein centre-ville. Accessoirement, elle était aussi réceptionniste, deux jours par semaine, comme ce jour-ci. Tout l'officiel de son travail passait par elle. Elle était douée et comprenait vite. D'ici quelques mois, il pourrait lui proposer une place plus avantageuse, à l'image d'assistante. Mais il avait encore envie de jouer un peu avec ses attentes.

« Allons, vous ne m'en voulez pas d'avoir refusé de dîner avec vous hier soir au point de faire passer le travail au second plan, n'est-ce pas ? »

Quelques rires typiquement féminins lui arrivèrent aux oreilles. Il s'amusait avec elle. Elle n'était sans doute qu'un simple pion parmi ses relations, mais elle avait la qualité de ne pas l'ennuyer, et de savoir que faire lorsque la situation se présentait. Ce petit jeu de séduction n'était, après tout, pas si mal tombé au milieu de cette insipide journée. Il ne devait rien avoir reçu. Ni appel, ni courrier. Décidément, les dieux s'amusaient à mettre un obstacle entre toute source d'attrait et lui.

Il tourna sur sa chaise, comme les enfants le font dès qu'ils en ont l'occasion. Lui ne souriait pas. Il réfléchissait. Comment occuper le temps. Il lui en restait avant de remettre la récompense à celui qui avait effectué les basses tâches à sa place. Mais hélas, pas suffisamment pour se permettre de vaquer à d'autres activités extérieures. Ekzael était ponctuel. Il n'aurait pu réussir en tant que consultant, autrement. Ni en tant que manipulateur. Tout en pensant à cela, il se rappela contrariété qu'aucun de ses contacts ne l'avaient appelé. Pas un rapport, pas une nouvelle, pas une proposition. Qu'avait donc cette journée pour être aussi terne ?

Les chatrooms ! Les adolescents suicidaires, les jeunes adultes révolutionnaires, les philosophes de bureaux. Il y avait obligatoirement des êtres animés sur ces places de foires interactives. Il pourrait surement comprendre quel événement lui ayant échappé retenait l'intérêt de tous. Mais les salons n'étaient remplis que de simples geeks et autres accrocs en train de louper des cours, eux aussi désabusé par la tournure que prenait la journée. Ekzael ne demandait qu'une chose. Une petite chose. Une simple étincelle pour rendre à son monde les couleurs qui s'en sont absentées. Un peu de vie. Tout simplement.

Un cri. Une femme. Des alertes. Un vibreur. Une sonnerie. Comme si tous ces évènements contraints explosaient en un instant. L'adrénaline qui fut déversé dans le sang du scientifique ne lui suffit pas à suivre.

    A l'aide.
    Morts. Au secours.
    Aidez-nous. Vivants.
    Morts-Vivants. Danger.
    Zombies. Sang.
    Apocalypse.

La ligne directe le connectant au standard ne répondait plus. Ce cri était sans doute possible celui d'Ayane. Son portable recevait message sur message. Informateurs, dealeurs. Les salons de discussions s'emplissaient et se désemplissaient à un rythme affolant. Tous déversant les mêmes messages. La panique. Voilà ce qui ressortait de tout cela. Il esquissa son premier sourire. La journée commençait à ce moment.

Un virus. Voilà les mots sur lesquels se focalisa son esprit. Cela ne peut être qu'un virus. C'est si logique. Si banal. Mais cette fois-ci, en voyant l'ampleur, il était sublimement contagieux. C'en était presque enthousiasmant. Sa secrétaire fut surement effrayée par les requêtes que ce programme envoyait constamment. Ses contacts voulaient surement le prévenir avant qu’il ne le remarque. Mais quelque chose clochait. La coïncidence était trop évidente. Un virus ne pouvait être si efficace sans avoir été longuement travaillé. Et si tel était le cas, il aurait déjà eu des soupçons, avant même sa mise en place. Non, il y avait autre chose.


« A l’aide ! », une seconde fois. La douce voix d’Ayane résonnait dans la pièce silencieuse. Elle avait brisé toute réflexion du consultant. Ce n’était clairement pas pour un virus qu’elle pouvait sembler si désespérée. Un danger plus grave ? Des vigils gardaient l’entrée pour éviter tout dérangement de bandes de voyous, comme il pouvait en traîner parfois. L’idée d’une attaque plus violente était à écarter. Aucune somme importante d’argent ne se trouvait ‘‘officiellement’’ dans cette tour. Aucune idée sensée ne parvenait à l’esprit d’Ekzael. Devant cet échec à évaluer la situation, il dut se résoudre à détourner les images de la vidéo surveillance sur son écran.

S’il était possible que des entités divines existent, elles venaient de se manifester. Un Cadeau du Ciel. Ou des Enfers. Comme une morbide évidence qui lui sautait aux yeux. Un funèbre et délicieux spectacle. Il avait tort, demain ne sera en rien comme aujourd’hui, c’était évident. Sous ses yeux se dessinait des images dignes de films. Des êtres décharnés s’attaquant à toute proie vivante. Cela n’était pas un virus informatique. Ils avaient raisons. Des Zombies. Comme une manifestation irréelle, le présent qu’Ekzael voulait. La scène commençait.

Ayane, cette douce Ayane. Elle n’était maintenant plus. Il n’y avait donc plus rien à observer dans le hall d’entrée. Il bascula sur la caméra qui filmait les couloirs de son étage. Un d’eux avait réussi à monter jusqu’ici. Sans doute une victime qui était dans l’ascenseur. Manque de chance, elle avait voulu se rendre ici. Il reconnaissait un employé des bureaux voisins. Il avait raison. Il semblait cependant bien moins souple que de son vivant. La rigidité cadavérique prenait-elle donc effet si tôt ? Il se déplaçait lentement, ses pieds glissaient sur le carrelage, laissant une traînée de sang noir derrière eux. Sa peau était devenue livide, ses yeux révulsés. Mais il avançait, encore, toujours, inlassablement. Vers le bureau du Consultant. La Chance, encore.

Les zombies sont des créatures à la mode dans nombre de fictions. Et nombres de solutions existent dans celles-ci pour en venir à bout. Parmi celle-ci, il y a l’eau. Arme d’une puissance incroyable. Et d’une abondance tout aussi intéressante. Il avait un moyen de tester cela, et il ne s’en priverait pas. Un succès lui assurait la fin de l’acte, mais l’échec annonçait une longueur inestimable de ce dernier. Il lui faudrait, dans les deux cas, partir de son bureau. Laisser ses idées, ses dossiers, ses affaires. Comme si quelqu’un méritait de relire cela. Il prit un dossier. ‘‘Idées de Révolutions Energétiques’’. Rien que ça. Si quelqu’un devait avoir le mérite pour ces idées, c’était lui ou personne. Une étincelle. Le titre disparaissait au fur et à mesure que les flammes le rongeaient. Des mots partant en fumée. Ces méandres noirs qui s’accumulaient sous le plafond. Et l’alarme qui retentit. Il venait de sceller le destin de la tour. Egoïste Scientifique.

Il avait été le seul conscient de l’attaque. Les autres appliquaient le plan de secours. Il n’avait pas compris, le danger n’avait jamais été signalé. Ces stupides commerciaux se retrouvaient donc à se ruer dans la gueule du loup. Ekzael les avait oubliés. Ekzael n’en avait rien à faire. Ils ne servaient à rien, qu’ils meurent, qu’ils fuient. Son plan avait échoué. Le Zombie était maintenant simplement trempé à cause du dispositif anti-incendie. Son bureau aussi. Le Consultant fit voler dans l’arroseur automatique une de ses statuettes qui ornait ses tiroirs. Le système se cassa, la pluie s’acheva. Il était énervé. Stupides Anges. Ne leur avait-il pas servis assez de divertissement ?

Il observa une dernière fois ses écrans. Il était revenu sur l’entrée. Ils avaient l’air de fourmis dans une toile d’araignée. Quand l’un tombait, les créatures démentes l’assaillaient pour s’en lasser au bout de quelques morceaux. Tellement de choix sous leurs yeux inutiles. Ils étaient condamnés, tous, à cause du test de leur plus détestable voisin. Il aurait voulu rire devant l’absurde situation. Mais il réfléchissait. Il n’avait rien pour résoudre ce problème en claquant des doigts. L’argent ne lui servirait pas. Son génie non plus. Pas plus que son charisme. Depuis quand la sélection naturelle avantageait les brutes stupides, et les soldats inutiles ? Il soupira. Il devait partir, il avait rendez-vous.

Couteau, Téléphone, Argent et Clés. Voilà son seul inventaire pour faire face à ce présage d’apocalypse. Manzo l’attendait sans doute déjà, il n’allait pas se faire plus encore désirer. Il verrouilla son bureau. Il se doutait qu’il venait de clore son ancienne vie avec cela. Il s’ennuyait, c’est aussi bien ainsi. Il affrontait une nouvelle forme de survie dans ce monde absurde, où les vices humains étaient maintenant comme matérialisés. Il avait d’ailleurs l’idiotie devant lui. Ce zombie qui s’était aventuré à son étage. Il se tenait à quelques mètres de lui. Il avait l’air niais, comme un animal qui n’a encore pas compris que se ruer vers son prédateur l’amènerait à sa perte. Il avait senti Ekzael. Un tressaillement le prit. La faim. Sa fin. Le carrelage humide était des plus glissants. Il était maladroit et inattentif. Sans réflexe, il laissa son crane cogner le sol. Comme de l’encre noir, le peu de sang qu’il lui restait teint le couloir. Un tapis funèbre pour accueillir les pas de l’hirondelle.

Il pensait bien que peu de gens iraient dans les sous-sols. Ces créatures font suffisamment peur pour ne pas vouloir aller dans un endroit souterrain. Et puis, le plan d’évacuation interdit de passer par là. Il ne croisa ni zombie, ni humain. Sauf à la fin. Hayato Nori. Directeur d’une entreprise de pub. Rien de bien impressionnant. Sa richesse ne vient en aucun cas de la créativité – très contestable – de ses employés, mais plus d’affaires de chantages et kidnapping. Ekzael le connait mais lui ne peut même pas se rappeler de son visage. Il est enrobé. Il est stupide mais influent. Il est seul maintenant, une arme à la main. Un flingue. Deux autres hommes sont face à lui. L’un est du premier étage, un consultant aussi. L’autre est un simple inconnu. Et Hayato leur crie dessus. Aucun ne doit passer, aucun ne doit vouloir voler sa voiture, aucun ne doit l’exposer à des dangers. Aucun ne doit être complice de ses monstres. Il est fou. Il a perdu la raison. Voilà le problème de ceux qui la possède, la raison. Ils ne sont pas habitués à en manquer.

Ridicules humains. Les uns vociféraient vouloir passer pour sauver leur peau, l’autre bloquait l’accès pour protéger ses biens. Ekzael les aurait bien laissés à leurs enfantillages, mais c’était la seule voie d’accès au parking. Il allait devoir intervenir. Un coup de feu. Il n’était pas encore sortit de l’angle derrière lequel il épiait qu’un des hommes était à terre. Son presque concurrent. Le vieux Hayato était sérieux ? L’autre profita du coup pour désarmer le fou furieux. Une seconde victime. Misérables. Il ne pourrait pas observer la magnificence de l’Hirondelle. Il s’avança, menacer par l’arme encore chaude des deux balles tirées.


« Dé… dés… Non, ne ti-i-rez pas. Je vous en supplie. Je veux seulement aller à ma voiture, loin. Je vous en prie… Je ferais tout ce que vous voulez, je veux juste partir… »

On aurait dit un de ces gamins, qui perd ses moyens devant une force supérieure. Son visage montrait peur et soumission. Une feuille tremblotante, ne pouvant lutter contre le vent qui veut la détacher. Alors que sa main droite semblait, comme le reste de son corps, tétanisé d’effroi, cherchant un peu de chaleur sous son manteau, la gauche tendait son enveloppe de Yens. Il s’approchait avec une prudence incomparable. Chaque geste regard trop insistant du vieil escrot l’arrêtait avant d’avancer pas à pas. L’un était trop fier de sa nouvelle position. Il se sentait fort. Il le tuerait plus tard, quand son désir se sera éteint. Il tendit la main pour prendre son dû, cette taxe soudaine que son arme lui avait permis d’obtenir. Beaucoup d’argent. Il essaya de compter mentalement. Une perte d’attention fatale. Déjà son cou lui semblait froid, perforé de cette griffe d’acier. Son regard montrait la peur que lui inspirait maintenant le visage souriant face à lui. Le masque tombé, l’Arrogant avait tout d’un Fou.

Son argent récupéré, sa lame essuyée de toute trace, il partit à la recherche du point de rendez-vous. Sa voiture faisait office de lieu de transaction. Le Dealer était absent. Il était fiable, pourtant. Sans doute les circonstances étaient différentes aujourd’hui. Sa voiture était garée à proximité d’un extincteur. Il pourrait surement s’en servir si le besoin s’en faisait ressentir. Mais là, il était seul avec son ombre. Seuls ses pas résonnaient dans cet immense sous-sol. Il attendrait. Il avait tout son temps.
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MessageSujet: Re: Hirondelle & Rossignol   Hirondelle & Rossignol I_icon_minitimeJeu 25 Nov - 0:31

Le rouge-gorge emporté par le vent.
Jour-J. 7h.

Bip bip. Le réveil s'empressa de faire son office, en vain, car Alice était déjà réveillée depuis un bon moment. Elle avait regardé le soleil se lever, assise au bord de la fenêtre de sa chambre, perdue dans une lassitude qui ne voulait pas la quitter et qui ne se noyait même pas dans le sommeil. Elle soupira. Elle jeta un oeil à son lit, sur lequel trônaient ses affaires déjà prêtes qui la narguaient. Oui, son ennui était tel qu'elle avait pu lentement et soigneusement préparer son bagage au terme d'un frugal petit déjeuner. Son copieux bentô était lui aussi cuisiné et emballé par ses soins. Une bonne toilette, c'est ce qui attendait Alice à présent. De sa démarche qui manquait naturellement d'entrain, elle alla prendre une douche brûlante en chantonnant. Elle était seule dans la grande demeure, son père était à Tokyo pour affaires, sa mère dans l'annexe, occupée à préparer son cours, personne pour la surprendre. Elle prit son temps, savourant la caresse de l'eau sur sa peau ainsi que les arômes sucrés de ses cosmétiques. Achevant sa préparation devant sa coiffeuse, elle jeta un dernier coup d'oeil à son ruban d'uniforme et conclut qu'elle était présentable. Elle se saisit de son sac de cours, ainsi que d'un petit bagage supplémentaire, dans lequel elle avait fourré quelques vêtements de rechange, et quelques articles d'hygiène car il était prévu qu'elle passe deux nuits au camp d'entrainement de son club. Une manière d'accueillir chaleureusement les nouveaux membres. Ce genre de regroupement ne lui convenait pas, elle n'aimait pas vraiment être sociable, mais elle se ferait bien plus remarquer si elle n'y allait pas et elle détestait encore plus se faire remarquer. C'est avec un nouveau soupir qu'elle quitta sa chambre pour descendre au rez-de-chaussée.

Il ne lui fallut pas longtemps pour enfourner son déjeuner dans son sac, attraper son portable qu'elle avait chargé durant la nuit, emporter son chargeur et sa batterie de secours, et laisser un mot sur le comptoir rappelant à sa mère qu'elle ne rentrerait pas pendant deux jours. Chacun semblait vivre sa vie dans son coin dans cette maison. Alice ne manquait pas d'affection, mais ils étaient tous les trois trop indépendants et cela se ressentait au quotidien. Alors qu'elle s'emparait de ses clés pour sortir, le téléphone retentit. Non sans une grimace, elle le décrocha pour découvrir avec surprise la voix de son père. Il avait besoin qu'on lui fasse parvenir de toute urgence des documents importants laissés à son bureau. Elle n'avait même pas besoin de poser la question pour savoir que sa mère refuserait d'abandonner ses élèves ce qui la laissait seule capable d'accomplir cette mission.
« Si tu insistes papa, je m'en occupe, je n'ai que deux cours avant de partir au camp, je ne raterai pas grand chose... Tu enverras un fax pour excuser mon absence ? » « Oui oui ne t'inquiète pas ma puce, merci beaucoup ! Tu me sauves ! » Nouveau soupir. Elle aimait bien participer aux activités de son père, mais quel parent demanderait à son enfant de rater l'école ? Elle haussa les épaules et revérifia qu'elle avait toutes ses affaires ainsi que le badge du bureau, avant de sortir enfin de la maison, direction, le quartier des affaires.

Le ciel était clair, le printemps se pavanait de sa robe rosée aux pétales virevoltantes, le matin voyait son calme se teinter d'agitation sur son passage. Le bus arriva en même temps qu'elle rejoignait l'arrêt. A son bord, pas mal de travailleurs ensommeillés et quelques lycéens qu'elle reconnaissait vaguement, mais qu'elle n'avait pas l'intention d'aborder. Le trajet lui sembla long, mais paisible, quand elle y repensa beaucoup plus tard. Lorsqu'elle atteint le quartier effervescent elle se surprit à le trouver encore plus agité que d'habitude, comme si quelque évènement de grande envergure se préparait. Elle n'y prêta pas plus attention et se rendit vers la tour dans laquelle se trouvait le bureau de son père. Contournant l'entrée principale, Alice gagna le parking souterrain par lequel elle pouvait pénétrer le building sans se faire renvoyer par la sécurité. L'uniforme n'était pas très discret sur son statut, elle se faufila donc rapidement à l'étage par les escaliers, que peu de gens empruntaient, puis se glissa furtivement dans le bureau personnel du paternel. Elle tua son ennui en jouant avec le billard de la salle de repos pendant que les documents se faxaient.

C'est alors que des cris retentirent, des appels, des hurlements... Que se passait-il ? Se précipitant vers le couloir, Alice aperçut des gens qui fuyaient, des gens blessés, et... des gens en décomposition qui déambulaient d'une démarche trainante pour mordre ceux qui hurlaient ? S'était-elle endormie en patientant ? Non, ça ne pouvait pas être réel. Ce spectacle était forcément tiré d'un film de piètre qualité. Elle n'eut pas le temps de se pincer pour vérifier ses théories qu'un cadavre se relevait et décidait de se diriger vers elle avec cet air menaçant inhérent aux cadavres ambulants. Ne souhaitant pas attendre qu'il la morde pour attester de la réalité de son cauchemar, elle recula pour rejoindre la salle de repos, et trouver de quoi se défendre. Une queue de billard sembla être l'outil le plus maniable dans les mains d'une pratiquante du naginata. Elle maintint le zombie à distance à l'aide de son arme improvisée, et l'enferma brièvement dans une autre pièce. Sans plus attendre, elle s'empara de ses affaires et rejoint la cage d'escaliers en ignorant le spectacle morbide que présentait le couloir principal.

Tandis qu'elle descendait précipitamment, le souffle court, le coeur battant, elle entendit l'alarme retentir. Elle réfléchit sans cesser de descendre, mais rien de censé ne lui parvenait. Si c'était bien ce qu'elle pensait, des zombies avaient attaqué le bâtiment. Rien n'était censé dans l'existence de ces créatures ! Machinalement, elle emprunta la sortie qui donnait sur le parking.

Alors qu'elle le traversait prudemment, redoutant l'obscurité et n'étant pas complètement remise de sa panique, elle entendit un coup de feu dans son dos qui la fit sursauter. Alors qu'elle hésitait à se retourner, un second retentit. Elle décida de regarder, constatant que cela ne venait pas directement de son dos mais de plus loin. Elle soupira de soulagement. Le danger restait réel, il y avait bien quelqu'un qui tirait non loin. Elle devait s'assurer qu'il n'arriverait pas par l'arrière pour en faire sa prochaine victime dans un moment de panique. Elle décida de revenir discrètement sur ses pas, se cachant derrière les piliers de béton et scrutant la pénombre dans la direction supposée du bruit.

Elle croisa enfin quelqu'un, qui ne semblait pas marcher comme les "choses" qu'elle avait aperçu plus tôt. Presque soulagée de le voir si calme, elle s'approcha de lui, queue de billard à la main en position neutre. Il ne semblait pas armé, il n'était donc pas l'agresseur de l'ombre. Elle l'interpela d'une voix hésitante.
« Excusez-moi... Est-ce que... Est-ce que vous savez ce qu'il se passe ? J'ai vu des choses bizarres... Je les ai repoussées... et puis il y a eu des coups de feu... Je ne comprends pas bien... » Son discours était assez incohérent mais elle ne savait pas elle-même comment raconter quelque chose d'aussi incroyable à un inconnu qui semblait aussi serein. Si elle hallucinait, il se moquerait sûrement. Néanmoins, pour quelqu'un comme elle qui n'appréciait pas plus que ça la compagnie de ses semblables, elle était étrangement rassurée de voir l'un d'entre eux qui semblait encore sain.
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